28 avril 1956

On me réveille d'un coup de pied dès l'aube. Une femme m'apporte un bol de semoule, que je m'empresse d'avaler. ça fait plus de vingt-quatre heures que j'ai rien bouffé. Le touareg d'hier soir entre. Il fouille ma gabardine, et en extirpe le permis militaire de Polky. Il le prend et ressort. Heureusement, y' a pas de photo d'identité dessus. Tant qu'ils me prennent pour Polky, je suis en sécurité. Mais pour ça, il ne faudrait pas qu'ils examinent en détail mon journal. Je m'arrange donc pour planquer le carnet dans une doublure de ma besace. On repart au milieu de l'océan de sable. Cette fois, je suis sur l'âne sans être attaché. Il est vrai que les dunes à perte de vue, constituent la plus dissuasive des prisons. On va toujours plus loin vers le sud sous un soleil de feu. Les rares coups de vent, loin de me rafraîchir, me brûlent la peau encore davantage. J'ai perdu mon chapeau dans l'enlèvement. Alors je me protège la tête avec le vieux sac de toile qui me couvrait toute la tronche hier. Je suis toujours avec mes cinq geôliers. Dans la soirée on arrive à un camp de toiles beiges. Il y' a un bédouin et quatre dromadaires qui nous y attendent. Peu de temps après, on aperçoit un point sombre qui approche à l'horizon. "Omar!" crient les mecs en le montrant du doigt. Une fois arrivé, le fameux Omar s'avère être le touareg qui m'a rendu visite hier soir et ce matin. Le soir, je suis convié avec eux au coin du feu. On bouffe à mains nues dans un grand plat unique. Des pois chiches, avec du mouton (Beurk!). Cette fois, j'ai même droit au thé. Soudain, Omar m'adresse pour la première fois la parole, dans un français presque parfait. -Les tiens savent désormais que tu es notre otage. Qu'il me dit d'un ton grave. -Et c'est quoi la suite pour moi? -Soit on t'échange contre notre grand chef qui est en prison à Oran, ou alors...