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L'écrivain d'eau douce
8 avril 2010

25 avril 1956

On est désormais la seule section du régiment dans la région. Toutes les autres sont retournés dans les Aurès où ça chie de plus belle. C'est tellement plus prudent pour notre colon d'avoir la section de Polky aussi loin, dans ce lieu plus calme. Mais on sait jamais. Vu que notre lieutenant n'est pas foutu de lire une carte, il est capable de nous faire un incident diplomatique en faisant tirer des obus sur le Maroc...  D'ailleurs, cette fois, on est stationné tout prêt de la frontière, à moins de dix bornes. Il faut parer à toute tentative d'infiltration. Mais ici, le félouze se fait rare et peu actif. Pour passer le temps, Polky bouquine. Il lit "Le désert des Tartares". Il ne doit avoir aucun problème pour s'identifier au personnage principal... Soudain, vers 15h00, une petite compagnie de chasseurs fait irruption dans le hameau qui borde notre position. Les mecs y commencent une fouille en règle, et curieusement, dans les règles. Pas le moindre geste déplacé vis à vis des indigènes, pas même la moindre petite main au cul. En s'approchant, on comprend vite pourquoi. En effet, le sous-lieutenant qui les commande tient fermement un nerf de boeuf prêt à sanctionner le moindre écart. ça change de Polky, qui non seulement laisse faire, mais participe. Ce dernier fait connaissance avec lui. Ce sous-lieutenant est un grand sec avec un long nez pointu, et surtout un regard dur. Il a pas l'air facile comme mec. Il ne respire pas l'intelligence, mais a beaucoup de prestance et d'autorité, ce qui est plutôt rare chez un gars aussi jeune. Il a un nom qui sent bon le sud-ouest, mais parle avec l'accent de Belleville sur un ton sec et raide. Il explique qu'il est en Algérie depuis trois semaines, qu'il est parti juste après son mariage. -Z'avez du feu? Qu'il me demande en serrant nerveusement une sèche entre ses lèvres. Je lui tend mon mégot -Merci! Qu'il me dit aussi sèchement. Puis, il s'en va, avec ses hommes, d'un pas raide et déterminé.   C'est sans doute une tête de con, mais il faut mieux avoir un chef comme lui, plutôt qu'avoir cette burne de Polky...                                                                                                      

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